Le soleil, la mer, l'amour

par hervé Dalle Nogare  -  22 Décembre 2014, 01:59


Le soleil, la mer, l’amour.

« Quand il y a la mer, le soleil, des femmes et de l’amour, alors, nous les Italiens, nous sommes là ». Je revenais d’un long moment passer sur la plage. Seul. J’avais vu la nuit arriver et la lune se lever, nue, au-dessus de l’horizon. Le bleu du jour s’était estompé progressivement laissant le ciel au bleu nuit, si profond ici. Le hasard du mouvement du jour avait fait que j’avais mon appareil photo dans ma voiture… La nuit complètement déployée au dessus de moi, me parlait de jours heureux, de lendemains où la beauté serait à jamais dans le cœur des hommes, que sur terre les enfants seraient, un possible jour, des enfants pendant tout le temps de leur enfance…Je repensais à mes élèves , aux sourires qu’ils avaient eus au cours de la journée, à Clarita « Clarinette », à Auréline « Pinky Miss », à Mickaël « le grand »… Dreamer, always dreamer…

Ce soir là, j’ai du prendre une vingtaine de photos…La lune, montait doucement, dans une élévation presque verticale, éclairant toute la plage d’une lumière douce..Je pensai à l’éternité que ce moment m’amenait à ressentir en moi, sentiment que des hommes venus sur terre avant moi avaient probablement senti au moins une fois dans leur vie éphémère et oubliée maintenant… Je regagnai ma voiture, l’âme en solitude…Dans mon cœur résonnait cette éternelle question sans réponse… « Pourquoi n’arrivons-nous pas à partager la simple joie d’être simplement vivant au milieu de tant de beauté ? Sommes nous condamnés vraiment à l’incompréhension de l’autre ?»

Bien que les rues de Kourou soient remplies de monde le soir, j’allais rentrer dans ma résidence m’apprêtant à m’y enfermer, computers ouverts sur des pages blanches que j’allais recouvrir de mots avec juste l’espoir que la petite flamme qui brillait encore ce soir là dans mon âme, ne s’éteigne pas à jamais, soufflée par la nuit qui nous entoure de partout… Sous le porche qui donne accès à la résidence, débordant sur le trottoir, John mon voisin du bas, vingt ans, la vie devant lui, gentil, écoutant fenêtre ouverte sa musique joyeuse mais parfois grave, avait installé quatre ou cinq chaises… Avec lui, il y avait deux hommes, jeunes que je ne connaissais pas. Ecoutant moi aussi la musique à un haut niveau dans ma voiture, je m’arrêtais, baissais le volume et la vitre, dit à John un bonsoir sincère… John y répondait avec ce sourire que j’aime chez lui, entier et sans détour…Mais l’un des deux inconnus le dit également, avec un accent que j’aimais bien au-delà de la conscience du pourquoi cet enclin… Je garai la voiture et allais les rejoindre…. Nous échangeâmes quelques civilités d’usage mais remplies de sincérité et de légèreté… Le deuxième jeune homme me tendit alors une bouteille de bière et me dit « vous voulez boire aves nous ? Nous allons vous donnez une chaise ; allez rester avec nous… ». Devant leurs deux regards, ne lisant que de la gentillesse et de la simplicité, valeurs premières, je m’assis à leur côté, laissant venir en moi l’apaisement que donne le vivre ensemble dans l’acceptation des différences de chacun..Là, de toute évidence, j’étais « un monsieur, un papa » au milieu d’une jeunesse bouillonnante… Les gens de la ville passaient, nous regardant, nous saluant simplement…

Tout était là  et toute la vie, dans ce qu’elle a de plus évidente s’ouvrit et s’offrit alors à moi. La vie simple, la vie, partagée, la vie douce, emplie de paix et de légèreté, de partage et de rire… Ils s’appelaient Mirko et Matéo. Ils étaient italiens, avaient trente ans et tous les rêves de la jeunesse en eux. Bien sûr ils avaient leurs blessures, comme nous avons tous, mais ils étaient …libres, heureux d’être là, avec John, buvant une bière, amoureux de la vie, dans la vie, là, dans la ville, dans le monde, dans ce temps infini qui s’ouvre à nous lorsque que l’on vit totalement le présent sans peur et avec amour.. .

Avec Mirko et Matéo, très vite nous avons parlez de l’amour, des femmes qui nous font tant rêvés, de nos familles que nous aimons par-dessus tout, même si c’est pas facile dès fois..Nous avons parlé des enfants et de leurs jeux, de la musique, bien sûr de la musique, de la poésie et encore des femmes, toujours des femmes et de leur si essentielle beauté d’âme…Bon, ok, aussi que nous ne les comprenons pas toujours… Nous avons parlé de tout ceux qui un jour ont du quitter l’Italie, devant émigrer pour survivre…

Je leur ai parlé de mon grand père, homme déterminé qui, partant de ses montagnes au dessus de Venise a du traverser toute l’Europe, allant par l'autriche puis l'Allemagne jusqu’en Russie, pour finalement trouver en France un pays où il a pu se faire une vie, même , même si…

Bien sûr, j’ai eu dans le cœur le visage de ma grand-mère , Ida, qui a tant donné à tous ces enfants et à nous, ses petits enfants…Je dis à Mirko au combien je regrettais de ne pas avoir été assez grand pour lui redonner un peu de tout cet amour qu’elle nous avait donné , comme çà… Mirko et Matéo me parlèrent de leur vie dans les faubourgs de Rome ou de Naples, de leurs propres familles, de leur enfance… Nous parlâmes de nos pères….

Il y eut un moment de silence…Nous regardions la rue, les passants, les jeunes en vélo portant leur fiancées sur les guidons, les enfants qui couraient sur les trottoirs et les chiens minces qui s’arrêtaient devant nous, nous observant quelques instants, repartant ensuite, nous laissant à nos questions vainement humaines..…

Mirko, le regard porté sur un ailleurs que lui seul voyait, nous dit : « Quand il y a la mer, le soleil, des femmes et de l’amour, alors, nous les Italiens, nous sommes là ». Merci Mirko, merci, parce que, si se rajoutent la musique et la poésie, alors là est la vie, là est ma vie ! Et je serai toujours là, fier d’être un Italien, un Africain,ou un indien,  peu importe l'endroit du monde dès l'instant que je vivrai ces mots .

Les mots de Mirko sont des histoires d’amour, les histoires d’amours que les hommes portent en eux, bien trop souvent dans le secret de leur âme ou dans le tourment de leur cœur,. Ce sont des histoire d’amour de la vie  et du présent..

Et même si il y a toujours la guerre à nos frontières ou à l’intérieur de nos pays, Mirko et Matéo, mais John aussi, ce soir là, ont tracé de leur sourire, juste pour" l'être ensemble" dans l’instant, des signes dans la lumière d’un soir pour nous rappeler la direction que nous oublions tellement dans nos vies post-modernes…Celle du cœur, de l’amour, de la liberté et du partage…

Life's lovers....

Life's lovers....

« Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse, sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force. »

« On ne se souvient pas des jours, on se souvient des instants. »

« L’amour a la vertu de dénuder non pas deux amants l’un en face de l’autre, mais chacun des deux devant soi-même. »
Cesare Pavese, poète italien, 1908/1950

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Je relis ce vieux texte: 2014. Presque d'une autre époque, avant bien de ces tourments qui nous sont arrivés depuis. Et puis impressionné par cette production qui a nourri le lecteur que je suis au cours de ces 4 années écoulées. Nous sommes le 27 décembre 2018, et ces centaines de poèmes sont encore devant toi. C'est le début du projet et je me plais à imaginer la façon dont tu représentais les choses...