Le loup maigre
Un loup maigre errait dans une forêt fragile , prise par l’hiver endurci et les acides pluies. Blanchâtre, tombait une neige sale.
« J’ai froid, j’ai faim, je suis vieux, je suis affaibli, je suis seul. Mon poil est gris. Mes plus fidèles amis ne sont plus. Les autres, assagis, prennent des habits de chiens avachis, voyant le jour à la lucarne de niches, montrant leurs dents aux passants étranges pour avoir le droit de se coucher dans le logis aux pieds de leur maître affadis.
Pourquoi me chassent-ils encore ? Pourquoi veulent-ils ma mort ? »
Le vent , lui aussi solitaire s’en allant, lui répondit :
« Parce que tu n’as pas de laisse qui te blesse la peau et le cou, pas de chaine à ta patte qui te dise où ne pas aller. Parce que tu ne baisses pas la tête devant le fusil, le puissant et son fils. Parce que tu penses avec le cœur, sans peur. Parce que tu es le différent, le libre et le sauvage. Parce que, tant que tu seras vivant, tu seras leur danger ; ce danger de voir leur pauvre pouvoir s’effondrer devant le libre du penser, de l'aimer et du vivre.
Tu es la peur, la folie, l’erreur, le danger, la perdition qu’ils agitent comme des chiffons pour capter l’attention de ceux qui les servent en toute volontaire soumission, abandonnant leur territoire, pour quelques villes où tout s’indiffère dans d’insignifiantes passions. Tu es encore ce que garde en son sein la poésie, ce trésor, l’indompté de l’âme aimant la terre et les étoiles »
Retentissent alors les premiers aboiements des molosses, lâchés pour broyer de ce loup les derniers os…
« Va, dit le vent à la bête traquée ; cours sans te retourner. Va dans les bois, et meurs comme une noble âme , choisissant ta mort comme tu as choisi ta vie, gardant jusqu’au bout intact ton souffle et ton cri. Ils ne te prendront pas aujourd’hui : de mon propre souffle, j’efface de tes marques, de tes pas, la moindre trace ».
Le loup partit. Ni bête ni homme ne le rattrapèrent, ce jour là..
Quelques temps plus tard, plus loin dans cette forêt souveraine, il trouva l’arbre. L’arbre sage.
L’arbre à qui le sublime animal confia son dernier souffle, nourrissant de la chair de son âme les racines, rejoignant ainsi l’éternel repos et le cycle de la vie.
HDN Janvier 2018
To Yan Boras, Brother in Arm, Still living...