Loin des villes
Plus loin, je revenais à moi.
Un moi qui avait disparu, inutile à force de marcher sur les trottoirs des rues de ces villes où il faut se vendre à tout prix.
Un moi qui m’était devenu inconnu.
Un moi qui sauvage courait très certainement dans les forêts il y quelques milliers d’années et qui là réapparaissait dans mes muscles mêmes.
Un moi que l’enfant que j’avais été avait parfaitement su vivre de tous ses sens lors d’échappée dans les bois, sans avoir mis des mots, des analyses sur la peau, dans la bouche de ces instants.
J’avais appris la langue des arbres, la langue de l’eau sans faire devoir ni contrôle.
Je revenais à moi
J'étais avec.
J’étais avec le fleuve, la forêt, la pluie, l’insecte, le reptile, le félin, l’oiseau, les humains.
J’étais avec l'aigle, je volais haut, je n’avais plus aucune peur.
J’acceptais le ciel qui était en moi.
J’acceptais tout, le temps, les défaites, les blessures, les zébrures, les larmes sèches.
J'acceptais l'ordinaire incompréhensible de la condition humaine, de n’être rien d'autre qu’un simple élément sans qu'aucune raison, aucun dieu ne donnent explication.
J’acceptais la fin, ma mort.
Je voulais devenir vieux et beau de silence devant les enfants crieurs.
Je voulais que mes cendres soient mêlées aux roches et flots, là où se baignent les femmes, les hommes chaque matin chaque soir.
J’étais tout simplement redevenu vivant.
Loin des villes.
HDN Décembre 2019