Entre deux mondes

par hervé Dalle Nogare  -  25 Février 2016, 20:05

Entre deux mondes

(les échelles de Lélouma)

 

Entre deux mondes

Il nous faut descendre, descendre, descendre

 

Lorsque l'on ne voit plus rien, que l'on se cogne la tête contre les murs

dressés de chaque côté du visage

avec la seule possibilité de marcher les bras serrés

 

Il nous faut parfois descendre, descendre, descendre

 

Lorsque la lumière ne se fait plus, que l'on ne sait même plus si l'on désire ou obéit,

si l'on vit ou suit

si on rêve ou copie

 

Il nous faut descendre, descendre, descendre

 

Lorsque les nuits n'ont plus de goût, que le sucre du jour est amer,

que les matins n'ont plus de différence,

que nos mains ne peuvent plus saisir le temps

 

Il nous faut descendre, descendre, descendre

 

lorsque toutes nos rues sont fermées, hérissées de barrières métalliques

que des quartiers entiers de notre droit d'exister

disparaissent derrière des palissades de tôles

 

Il nous faut descendre, descendre, descendre

 

Il nous faut réapprendre

à desceller les plaques d'égout, les dalles des souterrains, les grilles des galeries abandonnées

et rouvrir nos failles.

 

Il nous faut réapprendre

A tresser des cordes de lianes

que la douleur sourde des pluies urbaines ont fait pousser dans notre regard

 

Il nous faut les jeter

dans cette nuit que l'on a voulu oublier

en acceptant le pacte des villes et du vieillir

 

Descendre

Avec l'énergie dont on se croyait plus porteur

Le long des parois de notre âme

Fendue par le temps perdu

Lissée par le temps sans vie

Poncée par le temps renoncé

Polie par le temps subi

 

Descendre

Au centre des ronces, dans le cœur des silex,

De ce qu'on a accepté

De tous ses ongles, griffes, larmes, sueurs,

Écrire de ses mains

Sa longue marche

D'un seul trait de lumière

 

 

Descendre

Barre après barre

Degré après degré

Mains après pieds

Peur après peur

Cri après cri

 

Descendre

De son été sans fin et aveugle

A ses automnes où même se meurt l'ennui

 

Descendre

De l'automne sans commune promesse

A nos hivers et son gel

 

Descendre

De l'hiver à la nuit totale

Cette nuit infinie qui nous ensevelit, sans bruit

 

Descendre

La main armée

Du seul trait de lumière

Possédé

Ce souffle premier

En nous gravé

 

Descendre

De la nuit à la glace

Cette glace pure et sombre où plus rien ne vit

Ni le temps ni le cri

Où tout est figé

 

Blessures des mots

Pleurs et déraisons

Folies et rêves

Violences et solitudes

Passions et abandon

Ce besoin sans retour d'être aimé

Ces jours où mille fois l'on meurt

A force d'attendre

Les gestes de nos assassins 

proches  inconnus

 

Descendre

Dans la nuit de cette glace

Face à face

Avec ce que l'on a soi même tué

D'un geste d'un rien

Par oubli

Par mépris

Pour assouvir

Son instinct de survie

 

Descendre

A la vertical de nos granits

Recroiser

Strate après strate

Couche après couche

Nos poussières, nos cendres

Nos peurs irrésolues

Nos trahisons jamais avouées

 

Descendre

Jusqu'à ce dernier barreau

Soumis aux vents et aux courants

Fosse marine, espace sidéral

Là où rien n'est encore mot....

 

Puis

Ouvrir ses mains

Laissant venir

à soi

La lumière météore

La turquoise

infinie du Souffle premier

 

Recevoir

Les chants des étoiles

 

Libre

 

A la source de nos cris

Nous remontons à la surface du jour

Le soleil dans les mains

Le matin dans les yeux

 

Libre

 

Le monde, les rivières, les arbres, le vivant,

le cœur sauvage

Les autres, soi

à aimer

à aimer encore...

 

HDN 2016

 

 

LELOUMA (guinée) des échelles de lianes relient deux"mondes" : celui de la vallée, celui du plateau...

LELOUMA (guinée) des échelles de lianes relient deux"mondes" : celui de la vallée, celui du plateau...

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