Entre sable et océan

par HDN Dalle  -  18 Février 2019, 16:03  -  #poèsie, #photo, #musique

English text following

C’est à chaque fois pareil.

Quand je reviens des fleuves et des forêts fauves où le ciel zèbre les heures creuses de pluies denses, de bleus fous que ni livre ni musique ne peuvent rivaliser, quand je reviens de là où règnent la pure existence, la puissance du vivant, c’est à chaque fois la même chose. J’erre.

Ces jours de retour, oui, j’erre. J’erre vraiment. D’une pièce à l’autre buvant un verre, prenant une cigarette, reprenant le roman ouvert il y a quelques temps mais que j’ai laissé faute de n’y trouver qu’une pâle copie des couleurs que je rencontre. Je ne regarde plus les émissions de télé, je parcours le net, toujours aussi pauvre de nous, j’écoute quelques nouvelles chansons oubliables l’instant d’après. Rien ne m’apaise.

 Tout est terre à terre dans cette ville où le temps s’étire mollement. Seules la poésie et sa sœur, la philosophie, me procurent quelques médecines , infusant en mon sang un peu d’azur, de vert, de vent vagabondant.

Il y a bien sûr le marché où les Monk venant de Cacao ou d’Iracoubo vendent leurs fruits colorés. Il y a les conversations au bar où blonde est la bière fraîche que l’on sert à coup de « Alors, t’es revenu, mon frère  ? ».

Mais rien ne peut y faire. Mon cœur, lui, est serré, encerclé d’une cage en pleine air. L’ordinaire m’est comme fers cadenassés aux pieds. Dans ce pays, autrefois de bagne, il y a une vérité de la condition humaine advenue par la globalisation des modes de vie où tout est marchandisé.  

Même ici, sur ce littoral sudaméricain, où pourtant on se salue sincèrement, la ville, sa vie sédentaire, me désespèrent. Quand je songe aux fourmilières des métropoles, je sais que d’une funeste fièvre, je suis à jamais inoculé, rendant inconcevable le retour à une vie de tous les jours  quadrillée par le conglomérat des hypermarchés, surveillée par des milliers de caméras, pétrifiée par les écrans et la tête vers le bas.

 

Je vais alors marcher sur la ligne entre sable et océan.

 

 

Et c’est à chaque fois pareil.

Là, comme embarqué sur le bateau des mots, je me tiens au bastingage d’un voyage qui ne finira jamais. Celui des femmes et des hommes insensés, l’âme zébrée de rêves, de désirs, d’amour fous, le cœur gonflé d’une volonté sauvage, le corps exercé à la résistance, l’esprit doué d'une capacité à bifurquer des trajectoires calculées par de sombres destins, les puissants du moment ou ces intelligences artificielles qu’on nous présente aujourd’hui comme l'ultime récit, tout droit sorti d'un storytelling post apocalyptique hollywoodien. Le post-humanisme, oui, mais pas pour tout le monde.

Alors que fondent les glaciers, meurent tortues et dauphins étouffés par des plastiques, tombent arbres, abeilles sous la morsure des scies et des acides, prédisant la fin de nous, je sais que rien n’est écrit avant l’heure, que rien ne se fait sans notre consentement, qu’agir est notre destinée, que nous sommes tous auteurs-réalisateurs-acteurs, que si différent soit-il, l’après-demain se fera dans le bleu des aurores.  

L’horizon, l’horizon à jamais mouvant, changeant, multipliant teintes et parfums, me rouvre de toutes ses portes et fenêtres à la terre, au ciel, à la vie.

 Et à Elle

Elle qui ne quitte ni ma pensée ni mon âme. Elle, la présence du présent, de l’Aimer, dans l’air fin de ce bord d’océan où l’intense, l’immesuré azuré prend naissance. Encore et encore. Plus que quiconque, elle sait que c'est au dessus qu'il y a à voir, que l'autre dans sa différence, sans qu'aucun dieu ne soit nécessaire, est l'ultime transcendance.  

 

Le soir glissant sur le sable, devant le champ des vagues alors que monte le chant des étoiles, je vois dans la pénombre de la nuit déployée, quelques silhouettes furtives, sorties des bas quartiers de cette ville fantomatique d’où partent fusées et satellites. Çà et là, comme des grappes de lumière, ils allument de grands feux, faisant griller des poissons pris par leurs maigres filets.

Ils rient, ils chantent, ils s’enlacent, ouvrant de leurs voix vives des voies dans la nuit, partageant fruits et vie, les uns près des autres.

J’y vois l’avenir.

 

  HDN Février 2019

 

Entre sable et océan
Entre sable et océan
Entre sable et océan

It's the same every time
I come back from rivers and tawny forests where the sky zebra dense rains, blues crazy off-peak hours when neither book nor music bring desire, butt of dream. I come back from where only pure existence reigns, the power of the living.

It's the same every time.
Those days back, I'm waking up. I really wander. From one room to another drinking a glass, taking a cigarette, taking up the novel opened some time ago but I left for lack of finding there a pale copy of the colors that I meet. I no longer watch TV shows, go on the net still poor of us, listen to some new songs forgettable the next moment. But nothing calms me. Everything is down to earth in this city where time is sluggish. Only poetry and its sister, philosophy, provide me with some medicines, infusing my blood with azure, green and wandering wind.
There is of course the market where Monk from Cocoa or Iracoubo sell their colorful fruits. There are the conversations at the bar where blond is the cold beer that is served to blow "So, you're back, my friend proud? ".
But nothing can do it. My heart is tight, encircled by a cage in the open air. The ordinary is like locked irons on my feet. In this country, once a prison, there is a truth of the human condition in this globalization of our commodified world.
Even here, on this South American coast, where we greet each other sincerely, the city, its sedentary life, despair me. When I think of the anthills of cities, I know that a fatal fever, I am forever inoculated, making inconceivable a return to everyday life in a world crisscrossed by the conglomerate of hypermarkets, watched by thousands of cameras .

I will then walk on the line between sand and ocean

And it's the same every time.
There, as I embarked on the boat of words, I stand at the rail of a journey that will never end. That of senseless women and men, the soul zebra of dreams of mad desires of love, the heart swollen with a wild will, the body exercised to the resistance, the spirit endowed with this ability to fork paths calculated by dark destinies, the powerful of the moment, and those artificial intelligences now presented to us as sovereign.
While melting glaciers, die turtles and dolphins muffled plastics, fall bees trees under the bite of saws and acids predicting the end of us, I know that nothing is written before the hour, that nothing is done without our consent, that our destiny is to act, that we are all authors, that, no matter how different, the day after tomorrow will be in the blue of the dawn.
The horizon, the horizon forever shifting, changing, multiplying tints and perfumes, reopens me from all its doors and windows to the earth in heaven to life.
 And yours

You who do not leave me. Your presence to love Him in the fine air of this ocean where the intense, the immeasurable azure originates. Again and again.

In the evening slipping on the sand, in front of the wave field as the song of stars rises, I see in the dim light of the night unfurled, some stealthy silhouettes, out of the low quarters of this ghost town where rockets and satellites leave. Here and there, They light big fires, grilling fish caught by their meager nets.
They laugh, they sing, they embrace, opening the night and the fruit of living.
I see the future.

HDN February 2019

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"Là, comme embarqué sur le bateau des mots, je me tiens au bastingage d’un voyage qui ne finira jamais."<br /> <br /> Capitaine….tes images sont tes voiles….♫♫♫