La marche blanche
La marche blanche
A propos des suicides amérindiens
Que dire après les derniers évènements de début Mai, si ce n’est qu’entre tristesse et colère, sentiments de compassion et d’incompréhension, je comme tous ici, sur les fleuves, éprouvons comme une solitude, une chappe de plomb renfermant chaque « tragédie » sous une tonne de silence…La marche blanche du Samedi 11 Mai en fut une preuve.
Quelques témoignages….
Citation de Laurent Fumas
« Une marche blanche a eu lieu ce matin, ( Samedi 11 Mai) en mémoire de nos élèves et collègues qui se sont donné la mort récemment. Puisse cet événement apporter un peu de lumière sur ce peuple d'Amazonie française qui s'éteint peu à peu dans l'indifférence générale. »
Citation de Laurie Aur-
« " Marche blanche hier à Maripasoula. Pour un hommage, une alerte, de la sensibilisation, du partage, de l'indignation et beaucoup d'incompréhension. Merci aux personnes présentes."
Alors oui, bien sûr, tristesse. Il y en a chez chacun de nous comme en moi, à chaque fois que çà arrive, ces « tragiques évènements »parce que ces gens partis comme çà, on les a croisés, vus, on leur a parlé
Tristesse de voir que rien ne change.
Colère à savoir que chacun essaie, essaie mais que les coordinations en haut niveau ne se font pas et que sur le terrain se paie cash les manques
Oui, colère il y a, en chacun de nous, en moi, à savoir tant de vie arrêtée, alors qu’au même moment, si diffuse l’information d’un gaspillage dans territoire similaire,( une démission occasionnée par le fait de ne pas avoir « piscine et bateau à disposition)
Colère à voir se multiplier les burn-out, de devoir payer de soi-même fournitures ou matériel pour pouvoir travailler.
…Jusqu’où faudra-t-il aller ?
Alors oui il y a certainement de l’orgueil à se dire que « tant que je serai ici, no passaran ».
Voici ce que je viens de lire dans message sur un réseau social :
« On fera, écrira, tentera, continuera, restera ici », pensant que cette fois « on y arrivera ! », que « c’est çà, l’idée, c’est par là et comme çà que çà pourra changer »…
Mais, à voir de plus près, ce sentiment-là au combien critiquable, n’est qu’une forme de résistance à la puissance de l’impuissance ressentie ; l’impuissance face à ce monde qui déraille de partout, changeant à une vitesse folle .
Et il y a de quoi avoir cette morgue car en face c’est un des pires de la globalisation, qui cancérise ces territoire : le mercure, l’orpaillage, les traffics en tout genre, les multi nationales, les pollutions, la violence inouie, l’argent roi, l’argent sale, les prédations…
Non, personne n’est dupe, ici. Cet orgueil, nous le savons, n’est qu’un moyen de tenir, une ruse, une astuce pour se lever chaque matin, d’y croire encore, de continuer.
Car, quand ce sentiment de révolte, cette sur-croyance en soi s’en va, alors, arrive, pleine face, le tragique de cette situation-là, le tragique irréversible de cette mondialisation maudite…
L’année dernière..
Il était.cinq trente du matin, dans un village isolé Wayana. Nous entendîmes quelques coups de fusils de chasse, puis alors que la nuit était toujours épaisse, un chant funèbre d’une infinie tristesse, montant dans l’air, déchirant la noirceur de ces heures. C’était le chant d’une grand-mère qui avait perdu l’un de ses petits-enfants, se suicidant d’une décharge de chevrotines, quelque jour auparavant. Puis il y eu le silence…
Alors, dans notre équipe, réveillée, on s’est dit « Bon aujourd’hui, on va bosser comme des dingues… »
Alors après la tristesse, la colère, l’orgueil, c’est la fierté des fourmis qu’il nous faut retenir…
Je reviens de Grand Santi sur le moyen Maroni et y repars demain. Là-bas y officient chaque jour des inconnu.e.s, jeunes, impétueux, parfois arrogants ou orgueilleux, mais présents et avec les enfants faisant chemin vers un autre demain…
Loin de vouloir être des sauveurs du monde des fleuves, ils sont faiseur de présent….
Je n ai pas de portait d’eux mais, au moins que leur prénom vous parvienne, eux qui sont à la frontière des barbaries nouvelles.
Argantia, Luana, Sonia, Lucile, Lara, Julius, Ronan, Oreste..
Puis plus loin, en haut pays amérindiens
Wellia, Eric, Kevin, Laurie, Mélanie, Atayou, Aurélia…
Et tous les autres….
HDN Mai 19
Article de France Guyane à télécharger