Where Gold Colt and Cross are the Only Social Security ( 4/7)
Road to Hell
Je suis au Suriname. Envie de repos. Envie de faire un break avec tout ce que j’ai traversé depuis des mois. Sans véhicule, je pars en co-voiturage. Le conducteur est sympa !
A Saint Laurent du Maroni, visa en poche, sac de voyage à la main, sous le soleil de midi, je rejoins le poste frontière puis traverse de nouveau le fleuve. Suite à un problème de visa pour des touristes américains anti Trump, après deux heures d’attente au poste frontière, je me retrouve dans un taxi autre que celui de mon pote Ivan. Je quitte Albina, la route défile, enfin..
Arrêt au poste de contrôle militaire, situé à une trentaine minutes de Paramaribo. Les deux trois échoppes y sont sordides.
Mais, là aussi peuvent s’y acheter un tas de choses…Dans une arrière salle, se vendent des splendides aras rouges et bleus, des perroquets verts, des poissons rares de de rivière. Et puis, pièce majeure de cette anti chambre de l’enfer, un Urubu des savanes, me regarde de sa cage de fer. Le brésilo-indonésien qui tient boutique, l’agace avec un bâton, histoire de me montrer qu’il est bien vivant, cet animal là…
Son espèce est protégée USA et aux Canada mais pas ici, mon frère. Ici, c’est le réel et c’est une « road to hell ». Ces oiseaux, magnifiques, que j’entends lorsque je vais sur les fleuves serviront de décoration dans un salon, une maison secondaire en Europe, Chine, Etats unis, passant les douanes à coup de poignées de dollars…
La nuit est donc totale, la nuit de l’homme lui-même et pour son milieu. Sur un tout petit espace du globe, toute la destruction possible créée par le système néo-libéral est là, marquant la fin d’un humanisme et de son fairy tale faisant admettre, à peu près, ses inégalités intrinsèques aux inférieurs, aux mal nés .
Tout, je dis bien tout sera plus dur, plus impitoyable demain, après demain..
Tous ceux que j’ai rencontrés s’arrachent pour vivre. Demain est un inaccessible car, c’est aujourd’hui, là, qu’il faut survivre. De cette amérindienne vendant quelques pépites, à ce chinois qui clope au bec écrit les bons nombres, à ce piroguier qui, une fois parti de cet amas de tôle et de chairs me dira qu’il prie tous les soirs pour que sa vie change, qu’il ne veut pas que ses enfants aient sa vie, tous sont nés du mauvais côté de la « rue ou du fleuve», tous sont les sous-esclaves d’un monde qui, changeant trop vite, détruit tout ce qui ne cavale pas dans son sens.
Tous, en début de chaine, à des milliers de kilomètres des lieux « de consommation », servent ce système mortifère d’exploitation de l’homme par l’homme.
La forêt est détruite mais…Or pour luxe et industrie , soja pour viande et steaks, bois exotiques pour déco et planchers piscine, pierres précieuses pour bijoux et happy birthday , pétrole toujours le pétrole, huile de palme pour food et pâte à tartiner sont dans les conteneurs des paquebots et se retrouvent dans les rayons ou les vitrines du monde américanisé. Une tête de jaguar vaut trois cents euros. Destinée aux marchés asiatiques, ce seront les dents de cet animal qui feront grimper son prix de revente…
Welcome to Our Crazy New World Where Gold Colt and Cross are the only Social Security…
A suivre…